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La révolution verte
29 avril 2010

Histoire d'une épopée céréalière

Les débuts Mexicains

imagesOn peut dater le lancement de la "Révolution Verte" de 1943 avec la création de l'Office of Special Studies, né de la collaboration entre la Fondation Rockefeller et l'administration présidentielle de Manuel Ávila Camacho au Mexique. Le prédécesseur de Camacho, Lázaro Cárdenas, était un partisan de la réforme agraire, inscrite dans la Constitution mexicaine de 1917 mais délaissée par ses prédécesseurs jusqu'à son élection en 1934. Il noue, dès son entrée en fonction, une alliance politique avec la paysannerie mexicaine en soutenant la constitution de la Confédération nationale paysanne qui vient se placer dans l'orbite de son parti. Il parvient en six ans à redistribuer plus de 15 millions d'hectares de terres au profit d'environ 750 000 familles paysannes.

L'arrivée de Ávila Camacho marque cependant un net changement de cap. Ce dernier est surtout soucieux de rendre l'agriculture mexicaine capable de soutenir l'urbanisation et l'industrialisation croissantes du pays. Il va trouver dans ses voisins américains de solides soutiens à cette nouvelle orientation. Le vice-président américain Henry Wallace, qui percevait les ambitions de Camacho comme une chance pour l'économie et les intérêts militaires américains, a joué un rôle majeur pour convaincre la Fondation Rockefeller de travailler avec le nouveau gouvernement mexicain.

C'est J. George Harrar, plus tard président de la fondation Rockefeller, qui prend la tête de la petite structure que constitue à l'origine l'Office of Special Studies. Il y réunit des généticiens et phytopathologistes américains (Norman Borlaug, Edwin Wellhausen, William Colwell) et mexicains dont les principaux axes de recherche concernent le développement de variétés de maïs et de blé à haut potentiel de rendement; Borlaug recevra le Prix Nobel en 1970 pour ses travaux sur la culture du blé.

Dans le même temps, le gouvernement mexicain investit massivement dans les infrastructures pour l'irrigation des plaines et plateaux semi-arides, et l'adoption de nouvelles semences de blé se répand, principalement parmi les gros agriculteurs du Nord et du Nord-Est. Pendant toute cette période, un organisme public, le Conusapo, continue de protéger l'agriculture mexicaine des variations du marché mondial.

L'augmentation de la production de blé figure parmi les effets les plus spectaculaires de la révolution verte au Mexique. Si elle était en augmentation constante depuis les années 1920, elle connaît un saut quantitatif important, dû à la fois à l'augmentation des rendements et à celle des surfaces cultivées. Le Mexique est devenu auto-suffisant en blé en 1951 et a commencé l'exportation de cette céréale l'année suivante alors que dans le même temps sa population augmentait fortement.

Les succès relatifs de la « révolution verte » n'ont pas pour autant signifiés la disparition de la malnutrition au Mexique. Le coût des semences et des investissements en matériel, prohibitif pour un grand nombre de paysans, ont conduit à une intensification de l'exode rural. L'industrialisation, fortement mécanisée et donc peu demandeuse en main-d'œuvre, que connaît parallèlement le pays n'a pu absorber une population qui est venue grossir les rangs des bidonvilles. C'est aussi de cette époque que date l'accélération de l'émigration en direction des États-Unis. Cette dernière restera légalement admise jusqu'en 1964.

La continuité Indienne

imagesL'Inde est devenue le second pays à expérimenter la révolution verte, à la suite de la collaboration de la Fondation Ford et de l'État indien. La politique mise en œuvre par le ministre de l'agriculture Chidambaram Subramaniam s'est appuyée sur l'incitation à l'utilisation des semences de blé à haut potentiel de rendement du CIMMYT et sur un programme visant à encourager le développement de l'irrigation et d'une recherche agronomique locale.

A la fin des années 1970, le rendement du riz avait augmenté de 30% permettant à l'Inde de faire face à la croissance de sa population sans subir les famines récurrentes qu'elle avait connues dans les années 1960 et particulièrement celle de 1966 qui fit des milliers de morts. La révolution verte assura des récoltes abondantes dans les États semi désertiques tels le Pendjab. Ce dernier, qui était dans les années 1950 un état aride et pauvre, est aujourd'hui l'un des plus riches d'Inde.

La malnutrition reste cependant largement répandue dans l'ensemble du pays.

Et pour ce qui est de l’Asie du Sud-Est ?

imagesL’Asie du Sud-Est est la région du monde où la production céréalière s'est accrue le plus rapidement dans les années 1970 et 1980. Des pays comme l'Indonésie et les Philippines, considérés comme structurellement déficitaires, sont quasiment devenus autosuffisants en l'espace de quelques décennies; le Vietnam est devenu en peu de temps le troisième exportateur mondial de sucre alors qu'il ne possédait que quelques champs de cannes dix ans auparavant.

Dans la majorité des pays de la région, la révolution verte s'est traduite par une augmentation sensible des rendements, et non par un accroissement massif des surfaces exploitées. L'emploi des variétés mises au point par l'IRRI explique en grande partie cet accroissement des rendements. Cependant, leur adoption par les paysans locaux n'a pas garanti à elle seule ces performances. Pour être pleinement efficaces, ces variétés ont nécessité une modification complète des systèmes de production agricole : drainage, fertilisation minérale, traitement chimique… Seule la mise en place par les États de cette région de projets de développement spécifiques ont permis une augmentation substantielle de la production agricole.

L'intervention étatique, secondée financièrement par l'appui d'organisations internationales (Banque mondiale, Banque asiatique pour le développement…), fut donc une condition importante du succès de la révolution verte. Les politiques de subvention à l'achat des intrants (notamment aux Philippines et en Indonésie…) furent indispensables pour l'accès de ses produits aux agriculteurs. Le maintien d'une protection des prix des variations du marché international a aussi profité au développement du secteur en garantissant un revenu régulier aux agriculteurs confrontés à de lourds investissements.

La révolution verte a, comme ailleurs, provoquée d'importants effets sociaux. À l'inverse du Mexique, elle ne s'est cependant pas traduite par une explosion de l'exode rural. Comme en Inde ou au Pakistan, la mécanisation a par exemple permis d'accélérer la préparation des sols, autorisant plusieurs cycles de récolte par an et une intensification de la culture, fortement consommatrice de main-d'œuvre.

Seule la Thaïlande fait exception à la règle, en grande partie à cause de surfaces cultivables bien plus étendues que ses voisins. En ce qui concerne le riz, l'emploi des variétés sélectionnées par l'IRRI n'y dépasse pas 25% des semences utilisées et se limite aux régions où la maîtrise de l'eau est la plus aisée. La mécanisation s'est traduite par une élévation de la surface cultivée qui n'est pas nécessairement corrélée à une hausse des rendements à l'hectare. Les systèmes de culture restent très majoritairement extensifs sur des exploitations dont la taille moyenne, située entre trois et cinq hectares, est sensiblement plus élevée que chez ses voisins. La Thaïlande s'est principalement appuyée sur cet avantage de taille pour devenir le premier exportateur mondial de riz.

Pour tirer profit de la Révolution Verte, les agriculteurs devaient avoir un peu d’argent et un accès aux ressources comme la terre et l’eau. Les paysans pauvres qui n’avaient ni l’un, ni l’autre ont été exclus de la Révolution Verte et beaucoup sont devenus encore plus pauvres.

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